16 November 2025
ACTUALITE

Cameroun : des activistes de la diaspora, « apatrides » par crainte de représailles

Sep 12, 2020

Quand un système politique fait de ses citoyens des apatrides parce qu’ils ont commis le crime “irrémissible(?)” de donner sur la gestion de leur pays une opinion qui tranche avec l’acception que leurs dirigeants ont de la notion du « Contrat Social » entre les gouvernés, souverains mandants, les gouvernants, simples mandataires, il faut convenir qu’un tel système qui fait de ses citoyens des êtres condamnés à errer et à mourir hors de leur terroir, est une méphistophélique tyrannie. À l’observation, le pouvoir du président Paul Biya en place du Cameroun, peut-être sans le vouloir ou le savoir, ne semble pas très éloigné des critères de ce type de régime caricatural qui prône la démocratie à condition que ne surgisse des rangs des gouvernés aucune voix dissidente.

Tenez ! Dans le monde des diasporas africaines en Occident et ailleurs, une constante typiquement camerounaise aiguise la curiosité des Africains partis quêter le mieux-vivre sous des cieux plus cléments, leurs pays natals étant généralement connus d’ordinaire comme des antres de la malgouvernance, de la castration, du musellement, du népotisme, de la confiscation même de la vie au bénéfice du clan régnant et du je-m’en-fichisme des dirigeants indélicats qui prennent du plaisir à faire de leurs concitoyens des portraits achevés de malheureuses gens : en plein 21ème siècle, les Camerounais de la diaspora qui ont le malheur de se trouver du “mauvais côté” des affaires de leur pays, de ne pas chanter les louanges du régime du président Paul Biya (au pouvoir depuis 38 ans et âgé officiellement de 87 ans), ou plus précisément d’afficher leurs sympathies pour l’opposition, ne peuvent pas rentrer dans leur pays natal sans risquer d’être embastillés pour longtemps.

Si cette situation des Camerounais persona non grata sur la terre de leurs ancêtres que des propagandistes du régime s’accordent à qualifier d’”exilés volontaires” n’émeut pas outre mesure en temps normal, “les exilés volontaires” pouvant bien ne pas trop se soucier de rentrer dans ce pays ingrat qui mange ses enfants, elle devient une véritable tragédie humaine quand les “exilés volontaires” étiquetés “opposants”, “sans papier” et “antipatriotes”, doivent faire face à des urgences morales comme le fait par exemple d’avoir à honorer la mémoire d’un parent ou ami décédé, ou de faire ses funérailles, sur place au pays. Faire le déplacement de son pays d’accueil pour son pays natal équivaudrait pour ces “enfants indignes” à se jeter dans la gueule du loup.

Oui, car si les pressions des nations occidentales ont jusqu’ici dissuadé le régime tortionnaire d’instruire la justice à sa solde de condamner à mort ses opposants, il n’en demeure pas moins que les chefs d’accusations qui sont souvent utilisés à leur encontre sont de nature à les exposer à la peine de mort. On se souvient du chef d’ « hostilité à la patrie », « insurrection », « incitation à l’insurrection », « outrage aux institutions de la république » pris l’année dernière contre l’opposant Maurice Kamto et près d’un millier de ses partisans qui avaient marché pacifiquement pour protester contre le trucage électoral qui avait reconduit Paul Biya à la tête de l’Etat en 2018. Même des passants arrêtés par la police pour s’être trouvés par hasard sur le chemin du lieu où se trouvaient le chef de l’opposition et ses alliés ont séjourné 9 mois en prison pour les mêmes chefs d’accusation, tandis que l’ingénieur Allemand d’origine camerounaise Wilfried Siewe séjourne encore en prison depuis cette époque et va y passer jusqu’à trois ans pour avoir été arrêté le jour où il quittait le Cameroun pour l’Allemagne après quelques jours de congé dans le pays qui l’a vu naître. Sa faute ? S’être retrouvé au Cameroun au moment où l’opposition manifestait contre le holdup électoral et avoir été vu en possession d’un ouvrage de philosophie politique intitulé « L’Urgence de la pensée », dont l’auteur n’est autre que le professeur agrégé de Droit Maurice kamto.

C’est le lieu de relever qu’avec l’enlisement de la crise anglophone qui sévit dans les régions du nord ouest et sud ouest du Cameroun et les contestations nées de la crise post électorale en octobre 2018, les relations entre le régime de Yaoundé et la Diaspora se sont davantage détériorées.

C’est ainsi que des natifs du Cameroun désormais considérés comme de farouches opposants du régime tels que le célèbre musicien Richard Bona (USA), des activistes Brice Nintcheu et Kamto Emmanuel (connu sur le pseudonyme de Emmanuel Kamto LE Combattant sur Facebook), Sadiki Bertrand (Berty le Kamite sur Facebook), Franklin Nyamsi kamerun, Arnaud Azonpi ( dit Arnaud Hérétique sur Facebook) et Stéphane Armel (dit Armel Stéphane sur Facebook) n’ont pas eu à se rendre au Cameroun pour les obsèques de leurs parents (mère, père) de crainte d’être arrêtés et torturés. L’un des cas les plus récents est celui du Dr Awoh Emmanuel, intellectuel camerounais basé en Australie qui a été arrêté en janvier 2020 à l’aéroport international de Nsimalen. Il s’était rendu au pays pour les obsèques de son papa décédé en décembre 2019.

On comprend que dans certaines familles camerounaises, même en cas de décès, on préfère demander au frère séjournant en Occident de ne pas faire le déplacement du pays ou la paranoïa incarnée qui dirige le pays commence à considérer tous ceux qui ne militent pas au sein des sections du parti au pouvoir dans les pays étrangers où ils résident comme des ennemis.