15 July 2025
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Liberté du culte en danger : Pourquoi le président camerounais fait-il fermer les églises du réveil ? – Horizoncamer

Sep 16, 2020

Depuis le mois de janvier une cinquantaine d’églises dites de l’Assemblée de Dieu ou des Winners Chappell et autres Tabernacles  ont été violemment fermées par les autorités camerounaises dans de nombreuses grandes villes du Cameroun. Yaoundé, Douala, Bamenda, principalement où, dit-on,  elles pullulent, le plus souvent sans autorisation, ou sous le couvert des associations ou des autres tendances des églises luthériennes dissidentes.

Des fermetures suivies d’arrestations de des dirigeants de ces églises, pasteurs –hommes ou femmes-, et parfois de leurs adeptes, tous accusés de “prosélytisme outrancier”, de trouble de jouissance, de détournement de mineurs ou d’escroqueries. En tout cas pour les autorités administratives, judiciaires et policières qui disent tenir leurs instructions directement du président de la République, les pasteurs pentecôtistes se livrent à des pratiques criminelles menaçant les fondements de la société, voire l’Etat.

Ces accusations sont cependant battues en brèche par les pasteurs qui rétorquent qu’en réalité, le gouvernement est en train de se venger contre leurs églises à cause des critiques récurrentes qui sont faites lors des prêches sur la situation de déperdition lente mais sensible du pays sur le double plan moral et de la gouvernance. « Ils disent qu’ils vont se débarrasser des pasteurs pentecôtistes chrétiens et de leurs églises parce que nous abusons du nom de Jésus-Christ pour simuler des miracles et tuer des citoyens et que nous sommes en train de connaitre une expansion qui ne se justifie pas puisque sur les 500 églises charismatiques que compte le pays, environ une cinquantaine existent en tant qu’églises reconnues…  mais c’est ce gouvernement de buveurs de sang qui se livrent à des actes de crimes rituels où on tue de jeunes gens et prélèvent des parties de leurs corps à des fins magico-sorcières, c’est ce gouvernement qui est passé maitre dans l’art des détournements du fruit du labeur du contribuable, ce sont eux encore qui ont transformé l’homosexualité en critère obligatoire d’ascension sociale, et ils nous accusent d’importer au Cameroun les adorations propres aux occidentaux », affirme Ndemby Ghislain, un ancien fidèle de Winners Chappell au quartier Nlogkack à Yaoundé, aujourd’hui à la tête d’une église de l’Eglise Missionnaire et Evangélique du Cameroun (EMEC), qui ajoute : « ils ne nous empêcheront pas de répandre la parole du Christ, même si nos têtes sont mises à prix ». Deux semaines après cette déclaration faite lors de la descente musclée des gendarmes  qui ont saccagé pour la 2ème fois, le 22 avril 2016 les installations de l’EMEC du quartier Briqueterie, après la première casse du lundi 4 janvier, Ndemby Ghislain s’est senti tellement menacé en sa qualité de berger qu’il a pris fuite et se trouverait actuellement au Nigeria. C’est à partir de ce pays qu’il a posté une pique sur Facebook contre le gouvernement qui accuse les églises du réveil de fonctionner dans l’illégalité :

« ce gouvernement du démon veut empêcher le Christ d’exister. Quelle vanité ! Quand nous déposons des demandes d’autorisation, on fait tout pour ne pas nous donner d’autorisation, mais quand nous demandons à créer des associations, on nous l’accorde vite, mais quand nous fonctionnons sous le couvert de ces associations on nous dit que nous avons violé la loi. Il faudra que le peuple s’élève un jour contre les injustices des tyrans qui nous gouvernent ».

Des propos qui ne vont certainement pas arranger la situation des relations entre ces églises et le gouvernement quo oriente d’ailleurs déjà le débat ailleurs, pour avoir gain de cause, notamment en mettant en cause le risque  de radicalisation religieuse de type chrétien dans le pays. Pour ainsi dire, un parallèle est vite tracé à cet effet entre le discours sanctifiant tenu à ses débuts par le mouvement terroriste d’inspiration islamiste Boko Haram, et celui salvateur et libérateur des organisations pentecôtistes dans nos grandes villes.

Récemment, des chercheurs du  Centre National d’Éducation (CNE) au Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, volant à la rescousse des autorités camerounaises postulent :

« Il ressort que la violence symbolique et verbale est au cœur du discours des leaders et des fidèles pentecôtistes. C’est parfois une communication agressive et dangereuse qui véhicule une idéologie d’intolérance religieuse dans un environnement réputé laïc. ». Après quoi ils ont préconisé qu’« Il urge donc que les pouvoirs publics mettent en œuvre une stratégie systémique de prévention et de gestion de la radicalisation d’origine chrétienne et pentecôtiste pour qu’elle ne bascule pas vers une forme ouverte de terrorisme religieux. ».

On pourrait, en lisant la littérature à profusion dans les médias contre les églises dites du réveil, penser que toute la société camerounaise est pour leur bannissement.

Ces personnes font l’objet de mandat d’arrêt émis par la justice camerounaise pour leur appartenance à des églises fonctionnant dit-on dans l’illégalité.

Ainsi, un tel demande par exemple que le gouvernement arrête les pasteurs qui utilisent des pouvoirs mystérieux pour attirer les chrétiens et les tuer ensuite pour obtenir plus de pouvoirs, ou accuse ces pasteurs de détourner les esprits fragiles des églises ordinaires en leur faisant miroiter des  miracles, des signes et de la richesse, tandis qu’un autre va les accuser d’être les instigateurs de son divorce d’avec son conjoint ou sa conjointe parce que celui-ci ou celle-ci les fréquentait et se faisait dire que celui qui ne venait pas au culte était un intraitable démon.

Que non, car les adeptes des églises du réveil, quoique nombreux, préfèrent faire profil bas, plutôt que  de prendre ouvertement position et de risquer un emprisonnement. La preuve, en cette fin du mois de novembre 2016, on recense environ une quinzaine d’adeptes des églises charismatiques faisant l’objet de mandats d’arrêt, et qui auraient disparu de la circulation.

Jusqu’où ira le bras de fer gouvernement et églises ? nul ne le sait, même pas les organisations de défense des droits de l’homme, qui n’ont de cesse d’indexer le gouvernement pour ses multiples violations du droit des pentecôtistes à la pratique de la  religion de leur choix.