16 November 2025
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Homosexualité, crime et châtiment : 9 ans après, rebondissement de l’affaire Fotapimo Eric – Horizoncamer

Sep 13, 2020

Homosexuels au Cameroun. Confinés à la clandestinité ou à l’exil

Le bloc “Petit matin” au quartier Bépanda à Douala a été le théâtre samedi le 4 janvier dernier d’un violent esclandre entre une dame et son frère. Au cœur de la querelle, l’incertitude sur le sort actuel de l’enfant de la dame, accusé il y a bientôt dix ans de pratiques sexuelles “contre nature” et chassé à cors et à cris du domicile familial sur l’insistance de son oncle maternel, qui, nonobstant le temps qui passe,  entend faire prévaloir le rigorisme moral sur le sentimentalisme parental.

« Il a spontanément, et sans contrainte, pris le chemin du pays des Blancs où cette ignominie a libre cours. Tant mieux ou tant pis, car avec cette abracadabrante orientation sexuelle qu’il s’est forgée au fil de ses fréquentations, j’avais déjà commencé à croire que Eric était un démon qui au cours de ses flâneries,  s’était refugié dans le ventre de ma sœur pour venir au monde sous un véhicule humain. ». Ainsi s’exprimait  il y a quelques années, Talla Donatien, oncle du jeune Fotapimo Eric dont l’arrestation en pleins ébats sexuels présumés avec son “partenaire”, avait bruyamment défrayé la chronique, en 1991. Il expliquait alors à nos confrères de  Canal Hebdo que c’était pour le bien de la société camerounaise en général –qui ne doit pas faire la courte échelle à la pratique de l’homosexualité- et celui de sa famille en particulier, qu’il avait œuvré à l’exclusion de sa famille, « de ce petit démon pour qu’il  aille continuer ses actions diaboliques avec ses amis qu’il avait choisis à la place de sa famille qu’il considérait comme des arriérés, des abrutis, des ringards. Bon au lieu qu’il vienne demander pardon pour l’opprobre dont il avait couvert la famille de sa mère, il aurait plutôt pris le chemin de l’exil. C’est lui qui voit ».

Pour monsieur Talla, comme pour les autres membres de la famille, Eric avait attiré sur  eux l’anathème et seul un exorcisme débouchant sur son “excommunication” pouvait permettre à la famille de recouvrer sa dignité un certain Tadonzepap Richard

La genèse de la querelle

Pour qu’on arrive à la lessive publique du linge familial du 4 juin dernier, il a fallu que la maman du jeune homme aujourd’hui disparu de la circulation soit complètement désespérée au point de faire porter le chapeau de la perte des traces de son fils à son frère à elle, qui l’avait pourtant convaincue auparavant que c’était la meilleure chose à faire pour faire rentrer leur fils sur le droit chemin. C’est ce que nous ont expliqué certains témoins au milieu des accusations de sorcellerie et des insultes qui fusaient de part et d’autre.

Tout commence en Février 2011 quand le jeune Fotapimo Eric, plus connu par le public de la ville de Douala comme un pratiquant passionné de football, est accusé d’homosexualité.

Il avait été surpris dans une chambre, apprendrons-nous,  en pleins ébats sexuels avec un de ses amis, connu sous le nom de  Tadonzepap Richard. Ce fut le début de leur calvaire. Les deux gays sont copieusement battus et ce en public, après avoir été déshabillés. Dans les mœurs et différentes cultures camerounaises, l’homosexualité  est toujours considérée comme une pratique sorcière, une abomination.

Fotapima Eric et son compagnon auront finalement la vie sauve grâce au passage d’une patrouille mixte de la police qui les soustraira d’autorité des mains furieuses de la populace moralisatrice, pour ensuite les garder enfermés 15 jours durant dans une cellule de commissariat. Les deux infortunés tourtereaux obtiendront cependant la liberté grâce à l’entregent d’un parent de Tadonzepap Richard, manifestement plus tolérant.

Malheureusement pour lui, à son retour au domicile familial, Fotapimo se verra signifier aussi bien par les mots que par les actes clairement stigmatisants, qu’il y était désormais persona non grata. Il est même ouvertement renié et  rejeté par ses frères et sœurs qui disent ouvertement avoir souhaité que son compagnon et lui furent lynchés par la foule et qu’après le commissariat, ce furent les portes de la prison même qui se furent ouvertes pour eux. Non sans lui demander, avec une pointe d’ironie, qui de son ami Richard et lui était la femme. « J’espère au moins que c’est toi qui mets le haut de chausses, petite tapette qui se prétend mon frère », lui jettera à sa figure l’une de ses cousines aînées, sous le regard approbateur de son oncle Talla, par ailleurs chef de sa famille maternelle.

Pour tout dire dans sa famille, il est devenu un pestiféré, une personne possédée par le démon qui doit être tué. Pour éviter ce triste sort, il ne lui restait plus qu’à s’éclipser. C’est ce qu’il aurait fait après  la condamnation à trois ans de prison de Roger Jean Claude Mbede à Yaoundé en mars 2011, parce que celui-ci, mort finalement en 2014, avait envoyé un simple message à caractère amoureux à quelqu’un. Selon nos sources, Fotapimo s’était enfin décicé à s’exiler quelques mois après l’infortune de Roger Jean Claude Mbede,  pour échapper à un éventuel jugement, mais surtout aux tracas que lui causait un groupe de voyous se proclamant fièrement « antigays » et s’autoinvestissant de la mission délicate de  police des mœurs dans les quartiers des grandes villes camerounaises.

Mais la mère de Eric, elle, n’y croit pas un mot, et dit craindre que son frère qui a fait de la lutte contre l’homosexualité une obsession, ait manœuvré pour que son fils subisse un sort lugubre. La preuve, depuis environ 9 ans, elle n’a pas de ses nouvelles. Or elle préfère un fils tordu que pas de fils du tout. Une opinion qui n’est pas partagée par la majorité de la société camerounaise qui pense que le code pénal qui en son article 347 condamne le délit d’homosexualité à une peine allant de 6 mois à cinq ans de prison et à une amende allant de 20.000 à 200.000 francs CFA,  est tout simplement laxiste et de nature à rendre l’homosexualité moins risquée.