Commandement et Contrôle en Période de Crise : Une Analyse du Leadership, des Mandats et de la Réponse des Forces de Sécurité du Cameroun aux Troubles Internes
Par Nfor Hanson Nchanji,
BSc. Journalisme et Communication de Masse-MBA Relations Internationales et Diplomatie
I. Résumé Exécutif : L’Architecture de Sécurité Centralisée du Cameroun
Cette analyse n’émane pas d’un expert en sécurité, mais d’un observateur, d’un journaliste et d’un passionné de relations internationales. Cet article aborde la structure et le leadership des principales forces de sécurité du Cameroun – la Police Nationale (DGSN), la Gendarmerie Nationale (SED), la Brigade d’Intervention Rapide (BIR) et les Forces Armées conventionnelles (CEMA) – afin de clarifier les postes de commandement au milieu des troubles politiques et sociaux en cours. Le secteur de la sécurité au Cameroun n’est pas caractérisé par une hiérarchie simplifiée et unifiée, mais par une structure personnalisée, hyper-centralisée, délibérément conçue pour assurer la longévité du régime. Ce système fonctionne à travers des chaînes de commandement fragmentées et souvent concurrentes, une conception qui sape gravement la responsabilité institutionnelle, en particulier lorsque ces forces sont déployées lors de troubles civils.
1.1. Aperçu de la Fragmentation du Commandement
Le fondement de la doctrine de sécurité camerounaise repose sur l’autorité directe et absolue de la Présidence. Alors que la gouvernance standard s’appuie sur le Ministère de la Défense (MINDEF) et le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) pour la politique militaire et la défense extérieure, les instruments les plus critiques de la coercition interne – la Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) et l’unité d’élite Brigade d’Intervention Rapide (BIR) – sont structurellement isolés et rendent compte directement à la Présidence. Cet arrangement garantit que le Chef de l’État conserve un contrôle opérationnel immédiat et non négociable sur les forces les plus susceptibles de réprimer la dissidence politique.
1.2. Synthèse de la Vérification Actuelle du Commandement
Pour répondre aux préoccupations du public et aux questions des médias concernant les rôles de commandants spécifiques, la vérification confirme que les postes de leadership clés suivants sont actuellement détenus par des figures de longue date et politiquement essentielles :
- Le Ministre Délégué à la Présidence chargé de la Défense (MINDEF) est BETI ASSOMO Joseph.
- Le Délégué Général à la Sûreté Nationale (DGSN) est MBARGA NGUELE Martin.
- Le Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Défense, chargé de la Gendarmerie Nationale (SED/CGN) est ETOGA Galax Yves Landry .
- Le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) est le Général René Claude Meka.
- Le Coordonnateur Général de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR) est le Général de Brigade Pelene François.
Cette vérification confirme que le Général Meka, en poste depuis septembre 2001, reste au commandement, répondant à la question concernant le statut des généraux de longue date.
1.3. Le Contexte des Manifestations
Le Cameroun a connu une intensification des bouleversements sociaux, des inégalités économiques et de la violence séparatiste, en particulier dans les années suivant la crise anglophone de 2016 et les élections présidentielles subséquentes. La violence post-électorale en 2025/2018 a entraîné des décès de civils et des arrestations massives alors que les forces de sécurité agissaient pour disperser les manifestations. Le déploiement des forces de sécurité pendant ces périodes critiques, impliquant souvent la Police, l’Armée régulière, la Gendarmerie et la BIR spécialisée, soulève de sérieuses questions concernant les chaînes de commandement, la responsabilité et l’autorisation de l’usage de la force létale. La clarification des rôles et des lignes hiérarchiques des commandants responsables de ces opérations est primordiale pour comprendre où se situe la responsabilité lorsque des abus se produisent.
II. Le Plus Haut Échelon : Surveillance Politique, Stratégique et Militaire
Le commandement stratégique des forces de sécurité du Cameroun découle du pouvoir constitutionnel et personnalisé conféré au Chef de l’État, se répercutant à travers deux hiérarchies primaires, semi-autonomes : le Ministère de la Défense (MINDEF) pour la politique et la Présidence elle-même pour le contrôle opérationnel direct, selon plusieurs sources.
2.1. Le Commandant en Chef et la Suprématie Présidentielle
Le Président de la République, Son Excellence Paul Biya, est le Chef Suprême de toutes les forces de défense et de sécurité. Cette position lui accorde une autorité définitive sur toutes les questions de sécurité, lui permettant de contourner les canaux militaires et ministériels traditionnels lors du déploiement des forces, un pouvoir central à sa longue tenure et à sa capacité à gouverner en maintenant un contrôle étroit sur l’appareil coercitif. La plateforme fondamentale des « Grandes Ambitions », sur laquelle le Président a été élu, lie explicitement le progrès national au maintien de la paix et de la sécurité, plaçant ainsi les forces de sécurité au centre du projet politique.
2.2. Le Ministre Délégué à la Présidence Chargé de la Défense (MINDEF)
Le rôle du MINDEF est stratégique et administratif plutôt que purement opérationnel. Le Ministre Délégué à la Présidence chargé de la Défense est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre globales de la politique de défense nationale. Ses fonctions incluent la coordination et le contrôle des forces de l’ordre, l’organisation des tribunaux militaires et la gestion de la coopération militaire. Le titulaire actuel de cette position influente est BETI ASSOMO Joseph. Bien que le MINDEF contrôle la direction stratégique et l’allocation des ressources pour la majorité des forces militaires conventionnelles et la Gendarmerie (via le SED), son autorité fonctionnelle directe sur les forces les plus fréquemment déployées pour les répressions internes politiquement sensibles, spécifiquement la DGSN et la BIR, est structurellement limitée par les lignes de commandement séparées du Président. Cette limitation structurelle garantit que le MINDEF est principalement une institution de politique de défense et de gouvernance militaire conventionnelle, plutôt que le lieu incontesté du pouvoir de sécurité intérieure.
2.3. Le Chef d’État-Major des Armées (CEMA)
Le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) supervise le commandement et l’état de préparation opérationnelle des composantes militaires régulières, y compris l’Armée de Terre, la Marine et l’Armée de l’Air. Conventionnellement, la principale responsabilité de l’armée est la sécurité extérieure, bien qu’elle exerce des fonctions de sécurité intérieure partagées.
Le CEMA actuel est le Général René Claude Meka. Le Général Meka occupe ce poste critique depuis septembre 2001, une tenure de plus de deux décennies. La vérification de son statut actif est vitale, car l’enquête initiale notait que d’autres hauts fonctionnaires, tels que le Général René Ze Meka, sont à la retraite. Le commandement continu du Général Meka souligne la détermination politique à maintenir la cohérence du personnel dans les rôles de sécurité sensibles, une caractéristique des systèmes autoritaires personnalisés.
La longévité du Général Meka, qui reflète la longue période de règne du Président Biya, démontre une profonde stabilité institutionnelle — ou, vue de manière critique, une stagnation — au sein de la structure de commandement. Cette longue carrière privilégie la loyauté personnelle et la fiabilité politique par rapport au dynamisme institutionnel ou à la modernisation régulière de la hiérarchie militaire conventionnelle. La conséquence de cet arrangement est que la chaîne de commandement militaire conventionnelle, dirigée par le CEMA, est structurellement marginalisée en ce qui concerne les opérations de sécurité intérieure, qui représentent la principale menace pour le régime. Étant donné que les opérations de sécurité intérieure sont gérées par des forces qui contournent l’autorité du CEMA (DGSN, BIR), l’autorité du CEMA est principalement confinée à la défense extérieure et à la hiérarchie militaire conventionnelle, diminuant effectivement son influence politique interne et sauvegardant la suprématie présidentielle sur l’application de la loi intérieure.
III. Forces de Sécurité Intérieure : DGSN et Gendarmerie Nationale
Le Cameroun s’appuie sur deux services en uniforme majeurs pour l’application des lois internes : la Police Nationale, gérée par la DGSN, et la Gendarmerie Nationale, gérée par le SED. Bien que les deux aient des mandats de police, ils sont séparés par la juridiction et, de manière critique, par la structure de commandement.
3.1. La Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) – Police Nationale
La DGSN détient le principal mandat légal pour l’application des lois, la police judiciaire et la sécurité territoriale, concentrant ses opérations principalement dans les zones urbaines. La tâche fondamentale de maintien de la paix et de la sécurité est explicitement assignée à la DGSN.
Le Délégué Général à la Sûreté Nationale est MBARGA NGUELE Martin. La force de police sous son commandement est placée sous l’autorité directe de la Présidence. Cette ligne hiérarchique directe est indispensable pour garantir que la police, qui fait face à la dissidence urbaine et gère le processus d’identification nationale (un outil clé de contrôle civil), reste immédiatement réactive aux directives du Chef de l’État. Cet arrangement structurel garantit que le maintien de l’ordre dans le paysage urbain politiquement sensible est toujours aligné sur les directives présidentielles, contournant les couches bureaucratiques du MINDEF.
3.2. Le Secrétariat d’État à la Défense (SED) – Gendarmerie Nationale
La Gendarmerie Nationale, datant de plus d’un siècle, est classée comme une force militaire avec des fonctions de police civile et militaire concurrentes. Elle se distingue par sa responsabilité principale de l’application des lois dans les zones rurales. Ses fonctions opérationnelles comprennent les enquêtes de police administrative, criminelle et militaire, et elle est activement impliquée dans l’application des lois à travers son vaste réseau de Groupes d’Escadrons Mobiles et de pelotons.
La Gendarmerie relève du Secrétariat d’État à la Défense (SED) chargé de la Gendarmerie Nationale, une branche dédiée du Ministère de la Défense. Le Secrétaire d’État actuel auprès du Ministre de la Défense, chargé de la Gendarmerie Nationale (SED/CGN) est ETOGA Galax Yves Landry. Il préside à l’installation des commandants supérieurs de la Gendarmerie, supervise les commandements régionaux et assure l’efficacité institutionnelle.
La coexistence de la DGSN (sous la Présidence) et de la Gendarmerie (sous MINDEF/SED) crée un système où des mandats d’application de la loi qui se chevauchent existent, bien qu’avec des concentrations juridictionnelles distinctes (urbain vs. rural). Ce chevauchement entraîne une compétition institutionnelle et complique la coordination lors des crises nationales, mais il sert un objectif politique stratégique : il empêche tout service de sécurité unique d’établir un contrôle monolithique sur les opérations de sécurité intérieure, atténuant ainsi le risque qu’un centre de pouvoir rival émerge contre la Présidence.
En outre, la militarisation de la police civile est une conséquence essentielle de cette dualité. La Gendarmerie, fonctionnant sous statut militaire, facilite l’escalade rapide de la force lors de la gestion de l’ordre public. Lorsqu’elle est déployée aux côtés de la police civile (DGSN) dans des situations de manifestation, la nature militaire de la Gendarmerie signifie que sa réponse est régie par des règlements qui sont souvent plus permissifs concernant l’usage de la force létale que les directives de police standard. Le cadre juridique, qui autorise les forces de l’ordre à utiliser des armes à feu lorsque cela est nécessaire pour défendre un poste ou protéger des installations confiées, a été critiqué comme étant « plus permissif que ce que le droit international autorise », fournissant ainsi une justification légale pour les réponses létales pendant les périodes de troubles.
IV. L’Unité d’Élite Présidentielle : La Brigade d’Intervention Rapide (BIR)
La Brigade d’Intervention Rapide (BIR) occupe une position unique et puissante au sein de l’infrastructure de sécurité du Cameroun. Ce n’est pas simplement une autre unité militaire, mais l’instrument coercitif spécialisé, autonome et primaire du régime, déployé là où la contre-insurrection et la force maximale sont indispensables.
4.1. Isolement Institutionnel et Autonomie Opérationnelle
La BIR opère entièrement en dehors de la chaîne de commandement militaire conventionnelle. Elle possède une chaîne de commandement indépendante qui contourne à la fois l’État-Major Général (CEMA) et le Ministère de la Défense (MINDEF). La BIR rend compte directement au bureau du Président.
Son indépendance financière cimente davantage son autonomie. L’unité tire son budget entier de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), les rentes pétrolières de l’État. Ce mécanisme de financement exclusif fournit au Président un accès immédiat et illimité au capital opérationnel, assurant que la loyauté de l’unité reste liée exclusivement à la Présidence et est isolée de la surveillance budgétaire militaire standard. Cette supériorité des ressources contribue à ce que la BIR soit mieux équipée, entraînée et payée que les unités de l’armée régulière.
4.2. Leadership et Coordination
Le Coordonnateur Général/Commandant du Bataillon d’Intervention Rapide est actuellement le Général de Brigade Pelene François. La promotion du Général Pelene au grade de Général de Brigade et son histoire reconnue dans la lutte contre les menaces transnationales, y compris le grand banditisme, le braconnage et l’insurrection de Boko Haram, soulignent le statut opérationnel élevé de la BIR. Son élévation en grade, confirmée par des documents le désignant auparavant comme Colonel, renforce son autorité de commandement sur cette force d’élite.
Le mandat de la BIR se concentre sur les opérations de contre-insurrection et d’anti-terrorisme de haut niveau. Cependant, elle a été systématiquement redéployée pour réprimer la dissidence politique et le séparatisme violent dans les régions anglophones.
4.3. La BIR en tant que Mécanisme Anti-Coup d’État
La combinaison distinctive d’un rapport direct au président, d’un financement indépendant basé sur le pétrole et d’opérations spécialisées et isolées fait de la BIR la sauvegarde structurelle ultime pour le régime. Elle fonctionne comme une force politiquement loyale, conçue pour opérer en dehors des contrôles et équilibres institutionnels.
Ce statut préférentiel et cet isolement institutionnel garantissent que, indépendamment de toute dissidence interne potentielle ou de tout défi émanant de l’établissement militaire régulier (sous CEMA/MINDEF), le Président maintient une réponse armée immédiate, efficace et politiquement fiable. Cette fragmentation structurelle est un calcul politique délibéré conçu pour empêcher les forces militaires conventionnelles d’unifier le pouvoir et potentiellement de contester le régime.
V. Déploiement Opérationnel : Responsabilité du Commandement dans le Contexte des Manifestations
La complexité des structures de commandement converge de manière critique pendant les périodes de manifestations de masse et de troubles internes, nécessitant le déploiement simultané de forces dotées de mandats légaux et de lignes hiérarchiques distincts.
5.1. Le Cadre Légal pour l’Usage de la Force
La législation camerounaise stipule que les mesures de sécurité « ne doivent pas être utilisées au-delà de ce qui est strictement nécessaire ». Cependant, les lois régissant l’application de la force offrent une latitude substantielle aux forces de l’ordre. Plus précisément, la Loi de 2003 sur la Sécurité Intérieure permet aux responsables de l’application des lois d’utiliser des armes à feu lorsque cela est nécessaire pour défendre des postes occupés ou protéger des installations et du personnel qui leur sont confiés. Ce cadre est considéré comme particulièrement permissif par rapport aux normes internationales régissant l’usage proportionnel de la force.
Une distinction légale cruciale est que les autorités civiles ne peuvent avoir recours aux forces armées (l’Armée, et souvent les unités de Gendarmerie militaire) pour la gestion de l’ordre public que sur la base d’un ordre de réquisition spécifique. Ce mécanisme de réquisition est l’acte administratif formel qui légitime le passage de la police civile à la suppression militaire de la dissidence interne.
5.2. Autorités Civiles et Mobilisation de la Sécurité
Dans la pratique, les fonctionnaires administratifs jouent un rôle politique essentiel dans le déclenchement du déploiement de sécurité. Le Ministre de l’Administration Territoriale (MINAT, actuellement ATANGA NJI Paul) détient le pouvoir administratif d’interdire les rassemblements publics, tandis que les Gouverneurs régionaux (tels que Samuel Dieudonné Ivaha Diboua de la Région du Littoral) autorisent et supervisent la réponse aux troubles dans leurs zones administratives. Cela a été observé récemment lorsque le Ministre Atanga Nji a ordonné à ses gouverneurs de ne permettre aucun rassemblement susceptible d’affecter la paix publique.
La réponse commence souvent par des allégations politiques – par exemple, des gouverneurs régionaux décrivant les manifestants comme « attaquant » des brigades de Gendarmerie ou des postes de police. Cette caractérisation est utilisée pour satisfaire l’exigence légale de déploiement de forces lourdement armées et d’invocation des clauses permissives d’usage de la force, légitimant ainsi l’utilisation d’unités militaires pour le contrôle des foules et transformant les manifestations politiques en opérations de sécurité.
5.3. Coordination Tactique et Manque de Contrôle
Lors d’incidents majeurs, tels que la violence post-électorale documentée à Douala, Garoua, Bertoua, Maroua et dans d’autres zones urbaines, plusieurs éléments de sécurité – Police (DGSN), Gendarmerie (SED) et, implicitement, la BIR – sont souvent impliqués. Cette convergence d’unités, opérant sous trois chaînes de commandement fonctionnelles différentes (DGSN à la Présidence, Gendarmerie à MINDEF/SED, BIR directement à la Présidence), conduit inévitablement à des problèmes de coordination et à un manque de contrôle opérationnel clair.
La séparation structurelle des forces – en particulier l’isolement de la BIR par rapport à l’État-Major Général régulier – garantit que les actions entreprises par ces unités d’élite sont souvent en dehors du cadre de commandement opérationnel standard utilisé par les commandants régionaux de la Gendarmerie ou de la Police. La conséquence de l’exigence de réquisition, qui transfère la responsabilité de la police civile aux unités militaires, est la légalisation formelle de la militarisation de la gestion de l’ordre public. Ce processus augmente directement la probabilité de résultats létaux, comme en témoignent les affrontements où les forces de sécurité auraient causé des décès de civils.
La complexité de ces couches opérationnelles signifie que lorsque des abus se produisent, la responsabilité est gravement diluée. Si un officier de la BIR hautement autonome commet un homicide illégal, le processus d’enquête doit naviguer entre des revendications juridictionnelles contradictoires entre la DGSN (qui peut procéder à l’arrestation initiale), le MINDEF (responsable de la discipline militaire) et la chaîne présidentielle directe de la BIR. Ce manque systémique de contrôle effectif facilite une politique d’impunité pour les violations graves du droit international des droits de l’homme.
VI. Défis de Responsabilité et de Gouvernance
L’architecture de sécurité, conçue pour le contrôle politique par la fragmentation, génère intrinsèquement de profonds défis de gouvernance et de responsabilité qui se manifestent par des violations systémiques des droits de l’homme.
6.1. Impunité Systémique et Abus par les Forces de l’État
Les organisations de défense des droits de l’homme signalent constamment des allégations crédibles selon lesquelles les forces de sécurité gouvernementales sont responsables d’homicides illégaux ou arbitraires, de torture, de disparitions forcées et de destruction de biens civils, en particulier dans les régions en crise. Bien que le gouvernement signale occasionnellement avoir pris des mesures pour identifier et punir les fonctionnaires qui commettent des abus, ces efforts sont insuffisants pour surmonter la barrière structurelle de l’impunité. La décision d’engager des poursuites est souvent utilisée comme un outil politique sélectif – une mesure pour gérer la pression internationale ou les exigences politiques internes – plutôt qu’une fonction cohérente de surveillance institutionnelle professionnelle.
6.2. Le Défi du Contrôle Civil et Militaire
Les rapports officiels soulignent que les autorités civiles et militaires « n’ont parfois pas exercé un contrôle effectif sur les forces de sécurité ». Ce déficit de contrôle est une conséquence inévitable de la stratégie anti-coup d’État, qui privilégie la loyauté à la cohérence institutionnelle. En isolant délibérément des unités puissantes, telles que la BIR, de la chaîne de commandement militaire régulière, l’État favorise un environnement où les unités ne se sentent responsables qu’envers la plus haute autorité, les isolant de la surveillance du commandement de niveau inférieur et des mandats administratifs civils.
6.3. Politisation de la Sécurité et de la Justice
L’appareil de sécurité est fortement politisé, étendant sa portée aux sphères judiciaire et informationnelle. Les individus critiques envers les autorités, y compris les journalistes et les militants politiques, sont confrontés à l’intimidation, à la détention arbitraire et aux poursuites, souvent en vertu de lois largement appliquées liées au terrorisme ou à la sécurité nationale. L’arrestation de militants et leur procès ultérieur devant des tribunaux militaires illustrent davantage la militarisation de l’espace politique.
La fragmentation structurelle des forces de sécurité crée une asymétrie de l’information qui complique les efforts internationaux visant à promouvoir la réforme du secteur de la sécurité. Les partenaires internationaux poursuivent la coopération militaire et fournissent des équipements. Cependant, étant donné que la BIR et la DGSN contournent le MINDEF, les donateurs qui interagissent principalement avec la hiérarchie du MINDEF manquent souvent de transparence concernant la manière dont les unités les plus coercitives sont déployées et contrôlées par la Présidence. Cette opacité structurelle permet au régime de maintenir sa structure de commandement personnalisée tout en déviant les efforts de responsabilité internationale.
VII. Tableaux Organisationnels Clés
Pour fournir de la clarté et une référence concrète pour le public, le paysage organisationnel actuel du leadership de la sécurité et du déploiement opérationnel au Cameroun est résumé ci-dessous.
Tableau 1 : Postes de Commandement Clés de la Sécurité et Dirigeants Actuels (Vérification)
| Institution de Sécurité | Chef/Commandant Désigné | Nom du Dirigeant Actuel (Vérifié) | Ligne Hiérarchique Principale | Fragment de Vérification |
| Ministère de la Défense (MINDEF) | Ministre Délégué à la Présidence chargé de la Défense | BETI ASSOMO Joseph | Présidence de la République (Politique Stratégique) | 5 |
| Chef d’État-Major des Armées (CEMA) | Chef d’État-Major | Général René Claude Meka | MINDEF (Hiérarchie Militaire Conventionnelle) | 8 |
| Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) / Police | Délégué Général à la Sûreté Nationale | MBARGA NGUELE Martin | Présidence de la République (Autorité Directe) | [3, 6, 18] |
| Secrétariat d’État à la Défense (SED) / Gendarmerie Nationale | Secrétaire d’État chargé de la Gendarmerie Nationale | ETOGA Galax Yves Landry | MINDEF (via SED) | [3, 7, 20] |
| Brigade d’Intervention Rapide (BIR) | Coordonnateur Général/Commandant | Général de Brigade Pelene François | Présidence de la République (Chaîne Directe/Indépendante) | [1, 9, 24] |
Tableau 2 : Mandats Opérationnels et Déploiement dans la Sécurité Intérieure
| Force de Sécurité | Mandat Légal Primaire | Déploiement dans la Gestion de l’Ordre Public | Implication de la Chaîne de Commandement |
| DGSN (Police) | Application des lois urbaines, sécurité judiciaire/territoriale | Première réponse initiale ; police politique ; contrôle des foules urbaines. | Le contrôle présidentiel direct assure une intervention rapide et politiquement motivée. [2, 16] |
| Gendarmerie Nationale | Force militaire avec fonctions de police ; juridiction rurale étendue | Application des lois, réponse mobile, nécessite une réquisition civile pour une utilisation militaire formelle dans l’ordre. | La nature militaire permet une forte escalade de la force ; liée à la chaîne MINDEF, mais le chevauchement opérationnel avec DGSN/BIR crée la confusion. [3, 19, 21] |
| Brigade d’Intervention Rapide (BIR) | Élite de la contre-terrorisme, anti-banditisme, protection stratégique. | Déploiement rapide contre les défis internes à haute menace ; suppression du séparatisme/des manifestations majeures. | Opère en dehors de la responsabilité standard, est financièrement indépendante. [1, 23, 24] |
VIII. Conclusion et Implications Politiques
7.1. Recommandations pour la Sensibilisation du Public et l’Action Politique
La clarification de la structure de commandement conduit à plusieurs recommandations nécessaires pour promouvoir la transparence et la responsabilité, en particulier lors des opérations d’ordre public :
- Divulgation Publique Obligatoire des Ordres de Réquisition : Pour assurer la transparence, toutes les réquisitions formelles d’unités militaires (Gendarmerie, Armée ou BIR) pour s’engager dans la gestion de l’ordre public doivent être rendues publiques par l’autorité civile requérante, attribuant ainsi une responsabilité immédiate pour le déploiement.
- Standardisation des Règles d’Engagement (RDE) : Le gouvernement doit normaliser et s’engager publiquement à respecter les normes internationales des droits de l’homme concernant l’usage de la force, assurant une approche unifiée et non létale du contrôle des foules à travers toutes les unités déployées (DGSN, Gendarmerie et BIR). La flexibilité juridique actuelle concernant l’usage des armes à feu doit être immédiatement resserrée pour se conformer aux principes de nécessité et de proportionnalité.
- Renforcement du Contrôle Fonctionnel du MINDEF : Les efforts en vue d’une véritable réforme du secteur de la sécurité doivent impliquer le renforcement fonctionnel du contrôle du MINDEF sur toutes les forces de défense. Réduire la capacité des unités spécialisées à opérer entièrement en dehors de la chaîne de commandement standard est essentiel pour atténuer les risques d’abus et réduire la centralisation présidentielle.
- Amélioration de la Surveillance Judiciaire : S’assurer que les affaires impliquant des abus présumés par les forces de sécurité sont traitées par des organes judiciaires civils indépendants plutôt que par des tribunaux militaires est essentiel pour faire face à la « politique ou pratique d’impunité » persistante.
7.2. Conclusion :
Cette analyse, compilée en prévision de la proclamation des résultats des élections présidentielles d’octobre 2025, souligne une vulnérabilité critique et persistante dans l’architecture de sécurité du Cameroun. Les violents affrontements publics et l’action subséquente des forces de sécurité documentés immédiatement après la déclaration officielle des résultats le 27 octobre 2025 ont tragiquement validé la prémisse fondamentale de cet article : que la chaîne de commandement personnalisée et fragmentée assure une réponse coercitive rapide, souvent excessive, aux défis politiques.
La stabilité durable des commandants supérieurs – le Délégué Général MBARGA NGUELE Martin (DGSN), le Secrétaire d’État ETOGA Galax Yves Landry (Gendarmerie), le Coordonnateur Général/Commandant Pelene François (BIR) et le Chef d’État-Major Général René Claude Meka (CEMA) – reflète un système qui privilégie la loyauté et le contrôle centralisé sur la responsabilité institutionnelle. De manière cruciale, les forces les plus impliquées dans la répression post-électorale – la Police, les Gendarmes, l’Armée régulière et la BIR – opèrent avec des lignes hiérarchiques indépendantes directement à la Présidence, contournant la surveillance militaire et ministérielle conventionnelle.
Les raisons pour lesquelles, dans des endroits comme Bertoua, la Police a déploré qu’elle soupçonne l’armée d’aider les manifestants en les protégeant. Mais cela soulève la question de savoir qui protège le mieux les civils : la Police ou l’Armée ?
Au milieu des troubles civils, cette fragmentation délibérée crée inévitablement un déficit de responsabilité. Lorsque le personnel en uniforme est déployé sous des mandats qui se chevauchent, le cadre juridique, qui accorde aux forces de sécurité une large latitude pour l’usage des armes à feu en défense des installations, devient un mécanisme pour justifier des réponses létales à la dissidence politique. L’immédiat après-élection de 2025, caractérisé par des décès de civils signalés et des arrestations massives, souligne que la responsabilité ultime de la militarisation de la gestion de l’ordre public ne repose pas sur le soldat individuel, mais sur le leadership politique utilisant ces chaînes de commandement hyper-centralisées. À l’avenir, une stabilité véritable exige que les Camerounais réclament la transparence sur la structure de commandement et l’utilisation du pouvoir de réquisition, garantissant que ceux qui commandent les puissantes forces de sécurité de la nation soient tenus responsables des actions entreprises au nom de l’ordre.
Références
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