À l’occasion de sa deuxième édition, Renc’Art s’est déployé à Mady Life Foundation et à Doual’art. Il est ainsi parvenu à réunir un public très varié autour de la question artistique les 25 et le 26 novembre derniers. Ce dernier a pu rencontrer des promoteurs et des artistes professionnels de renom. Il a eu la possibilité de côtoyer des acteurs du marché de l’art. L’événement s’est ouvert avec des ateliers et s’est refermé avec un débat passionnant animé par des militants de la cause de l’art. De fait, Tallart Group à travers son promoteur Etienne Talla a réussi à réaliser l’objectif de sensibilisation et de valorisation porté par Renc’Art.
Atelier et remise de don
La journée du 25 novembre a été essentiellement dédiée aux jeunes handicapés psychomoteurs de Mady Life Foundation. Ces jeunes se sont remarquablement distingués pendant les ateliers de dessins et de peintures qui leur ont permis d’exprimer leur créativité. Ils ont traduit artistiquement leur vision du combat contre le discours de haine grâce aux éclairages de Olivier Charly. Ils ont également appris à matérialiser leur manière d’envisager les réseaux sociaux en suivant les conseils de Frank William.
Ces deux ateliers ont abouti à un exercice pratique mené par Raoul Wansi. Ils ont donc été immortalisés par la création de deux tableaux originaux très colorés et chargés d’émotions positives.
Dans l’optique de rendre les arts plastiques accessibles aux jeunes défavorisés, Renc’Art a offert plusieurs outils à Mady Life Foundation. Ce don a été un moyen de familiariser les bénéficiaires à la chose artistique. De ce fait, il est accompagné d’un programme de suivi visant à contrôler leur évolution dans l’exercice des arts visuels. Mais, outre ces instruments donnés par Tallart Group, ils ont reçu des sacs confectionnés par Lucile Meneng.
Découverte des travaux des artistes
Le public disponible le 26 novembre a eu l’honneur de découvrir l’atelier de Tally Mbok à Doual’art. Il a eu l’exclusivité sur la prochaine exposition que prépare cet artiste unique et percutant. Tally Mbok a entretenu plusieurs curieux au sujet de ses œuvres et de son processus de création. Il leur a permis d’apprécier l’échantillon de la série Immaoji sur laquelle il travaille. D’autre part, il a surtout attisé l’intérêt des uns et des autres en présentant le langage qu’il développe et explore avec le tissu Pélann créé pour célébrer sa mère.
De plus, la découverte s’est poursuivie dans un espace réservé aux œuvres d’Adango Salicia Zulu. Cette artiste, musicienne à la base, a exposé sur le regard émerveillé du public de Renc’Art ses premières réalisations dans le domaine de la sculpture, de la peinture et de l’artisanat. En clair, elle l’a invité avec une chaleur contagieuse à se rapprocher de ses calebasses multifonctionnelles, de ses sculptures déchirantes de buste de femmes et de ses accessoires de mode féminin entre autres. Par ailleurs, un rendez-vous a été pris pour le jour du vernissage dans le prestigieux espace d’exposition de Doual’art.
En outre, le parcours des invités de Renc’Art les a conduits dans l’univers d’Alioum Moussa. À l’aide de la médiation de Sandrine Tchouleko, ils sont parvenus à saisir la profondeur du message transmis par ses œuvres. Autrement dit, ils ont été convaincus par la nécessité de mener quotidiennement un travail intime et personnel de réflexion pour se dépasser et guérir des travers de la société et des limites de leurs capacités. Cependant, Alioum Moussa impose sa marque culturelle en puisant dans sa mémoire et dans les pratiques ancestrales encore d’actualité dans sa région d’origine.
Prestations artistiques
Comme pour la première édition, la deuxième édition de Renc’Art s’est montrée ouverte à des formes d’expression artistiques autre que les arts visuels. En effet, elle a invité sur sa scène deux artistes musiciens explosifs à la voix incontestablement séduisante. Au-delà de simples pauses, leurs prestations ont été de véritables moments de délectation musicale.
Nda Chi, le premier intervenant, a charmé le public avec ses rythmes et ses textes engagés. Il a célébré la culture en clamant son africanité. Sa voix légère, suave et sensuelle a fait l’unanimité comme celle de Mounpoubeyi. Ce dernier a eu droit à une standing ovation grâce à deux reprises de musiques emblématiques de la scène musicale camerounaise. Sa voix entrainante, puissante a capté toute l’attention des invités dès les premières notes.
Débat autour du marché de l’art
Sous le contrôle de Merveiline Tapi, le débat a été hautement animé par Diane Audrey Ngako, Didier Toko et Jean David Nkot. Ils se sont accordés sur plusieurs points en relevant les problèmes et les manquements que connaît le marché de l’art au Cameroun. De même, ils ont, chacun selon ses sensibilités et son expérience, proposé des solutions pour optimiser ce secteur. Sans langue de bois, ni partis pris et préjugés, ils ont édifié en sensibilisant et en transmettant la quintessence de ce qu’ils ont appris de leurs rencontres et de leurs réalisations.
Concrètement, tous les membres du panel ont fortement critiqué le désintérêt et l’absence d’engagement des autorités et des entreprises privées dans la lutte pour la promotion des arts visuels. Ils ont dénoncé le manque de sincérité, d’honnêteté et de professionnalisme de certains acteurs du domaine. Dans ce sens, Diane Audrey Ngako a fait savoir que
« C’est trop de niaiserie qui mine le marché de l’art ».
D’une part, ils ont soutenu toutes les initiatives qui visent à encourager les plasticiens et à les populariser. D’autre part, ils ont insisté sur plusieurs solutions à appliquer. Par exemple, Diane Audrey Ngako a déclaré que :
« Les politiques devraient être les premiers collectionneurs d’artistes locaux…pour garder l’histoire du Cameroun et hisser la côte des artistes à l’international ».
Dans la même logique, elle a souligné le besoin de définir le statut de l’artiste, de construire des espaces où ses œuvres seront valorisées.
Pour sa part, Didier Toko a rappelé l’importance de l’éducation à la consommation des œuvres de l’esprit. Selon lui, il faut
« éduquer les gens à consommer ce que nous produisons, structurer le marché de l’art, créer des habitudes de consommation, faire des actions populaires, ramener les artistes dans le populaire ».
Ces moyens permettront à la population de comprendre la valeur véritable des productions des artistes visuels locaux.
Jean David Nkot a partagé les opinions de ses copanélistes. Il a par ailleurs mis l’accent sur le fait que « la politique culturelle doit porter la production artistique des artistes, accepter leur talent et leur valeur ». En bref, d’après cet artiste, il est impératif de reconnaître que « le métier d’art est un métier ».
Ceci dit, pour impacter le marché de l’art, les membres du panel ont conseillé aux artistes de travailler leurs productions afin qu’elles soient authentiques. Ensuite, ils peuvent approcher les galeries, les foires, les musées et les collectionneurs. Dans le but de vendre à l’extérieur, ils doivent contacter des artistes et des promoteurs d’ailleurs, utiliser les réseaux sociaux ou participer à des foires internationales.
Ainsi, Renc’Art a favorisé une réflexion étendue entreprise pour comprendre le fonctionnement du marché de l’art. Il a donné les outils à prendre en compte pour impulser une mobilisation efficace des populations et des artistes tout en rentabilisant un marché encore peu exploité. Les acteurs du secteur doivent réaliser que « l’art contemporain est africain » comme l’a fièrement déclaré Jean David Nkot.